Laetitia Casta avoue et explique comment elle est devenue «libre»

Cinéma, Stars internationales

Elle arrive seule, d'un pas sûr, un sourire aux lèvres et un air de fille: jean blanc, chemise à fleurs vintage. En la regardant dans cette brasserie parisienne du 14e arrondissement, à quelques pas de chez elle, on se souvient des propos du chanteur Christophe, avec qui on a bavardé quelques instants auparavant et qui a enregistré un duo avec elle pour son prochain album: «Laetitia Casta est une image fixe sur l'émotion».

Ses doigts jouent avec une petite croix et une Madone bleue suspendue autour de son cou. Son regard nous invite à traverser le miroir. Alors qu'elle parle et se révèle, on est fasciné par sa force, celle que Peter Lindbergh avait capturée en la photographiant sous le nom de Marlon Brando., portant une veste en cuir. A la fois «esprit libre» et égérie disputée par les marques de mode, comme IKKS, la marque française qui fête ses vingt ans avec une collection inspirée de cette icône à l'aura magnétique. Laetitia Casta, pour la deuxième saison témoin de la marque rock dont la devise est «De moins en moins de concessions, de plus en plus d'affirmations», continue d'inspirer le monde de la mode, des photographes et réalisateurs, grâce à sa féminité sensuelle et intrigante.

A l'aise avec l'âge de 41 ans

Interprète de femmes fortes et libres de tout préjugé, tant au théâtre (Scènes de mariage, d'après le film d'Ingmar Bergman), que sur grand écran (L'homme fidèle de Louis Garrel, son mari), l'actrice va star dans un film intime, Le Milieu de l'horizon (adapté du roman de Roland Buti) et la série télévisée L'Ile, où il joue une sirène envoûtante. Passionné, engagé, brillant, le Casta revendique sa multiplicité en tant que femme, artiste, mère de trois enfants, partenaire… Sa volonté de rêver et «d'élever la réalité d'un ton», comme il le dit, citant le philosophe Bachelard.
Vous avez franchi le cap des 40 ans, mais l'expérience d'un artiste n'est pas forcément liée à l'âge, n'est-ce pas?
Je n'ai aucun problème à dire que j'ai 41 ans, mais ce qui me dérange beaucoup, c'est que - dans ce métier - on s'arrête aux chiffres. C'est un peu mesquin, car je me fiche du temps. Ce qui compte, c'est qui vous êtes. Pourquoi définir une femme en fonction de son âge? C'est assez! Il est temps d'arrêter. Je me sens complètement à l'aise dans la quarantaine, mais qui s'en soucie? On ne demande jamais aux acteurs masculins: "Alors, à 40 ans, comment vous sentez-vous?" Les hommes ne sont pas définis en fonction de l'âge.

Le regard des autres

Il travaille depuis l'âge de quinze ans. Qu'avez-vous appris au cours de toutes ces années de votre carrière?
Faire des choix sans rechercher le succès, plutôt mener une recherche personnelle. Nous devons nous libérer du regard des autres. C'est là que la vie commence à devenir vraiment intéressante. Un long voyage. J'ai dû me libérer de beaucoup de choses: de ma famille, de l'image de la femme-objet, d'une certaine idée de l'amour, de l'idéal d'une mère parfaite et aussi des demandes écrasantes que je m'imposais … J'ai passé ma vie à essayer de sortir de schémas extrêmement douloureux. Parfois, j'ai été malheureux … Malheureux de ne pas pouvoir respecter les codes. Au fil du temps, j'ai réalisé que c'était ma force. Tout ce que je recherche aujourd'hui, c'est la joie, celle de l'enfance, la légèreté.
Quel message avez-vous reçu en tant qu'enfant?
Cela peut se résumer à un "regard manqué" sur moi, depuis l'enfance. Quand j'ai commencé à travailler avec des photographes, un regard est tombé sur moi et c'est pourquoi j'ai commencé à me sentir valorisé dans ce métier. J'ai finalement eu l'impression d'exister. Mais quand j'avais 18 ans, j'ai réalisé que ce regard n'était pas nécessairement ce qui me rendrait libre en tant que femme, et je ne veux pas dire en tant qu'actrice ou mannequin … je devais aller au-delà de l'image. J'ai commencé à être plus sauvage, à observer les autres, à écouter. Cela m'a permis de voir, de me voir et de sortir de tout ce qui était prévu pour moi.

Parfois j'ai peur

Les personnages que vous avez incarnés vous ont-ils aidé dans cette voie?
Absolument! Parfois, le cinéma m'a permis de mieux comprendre la vie que la vie elle-même. Certains personnages ont annoncé des changements en moi: d'autres ont créé une résonance en moi par rapport à des événements qui s'étaient produits il y a longtemps … Parfois, en lisant un scénario, j'ai peur d'un rôle, et c'est là que je dois explorer, parce que c'est comme si quelque chose se révélait que je n'avais pas encore compris. Certains personnages parviennent même à remédier à certains de mes traumatismes.
Vous sentez-vous toujours prisonnier des codes et des diktats constamment imposés aux femmes?
Nous vivons dans une forme de puritanisme formidable … Nous sommes continuellement jugés, comme dans une épreuve. C'est terrifiant d'être constamment catalogué. La vie est faite de nuances, il ne s'agit pas d'être toujours les uns contre les autres: des hommes contre des femmes ou l'inverse … Ou même des femmes contre des femmes. Nous ne sommes pas que des victimes. Bien sûr, il y a des femmes qui sont maltraitées, tuées, et nous devons parler et nous battre. Mais moi, par exemple, au cours de ma vie, je ne peux pas nier que j'ai rencontré beaucoup d'hommes qui m'ont construit et fait de moi une femme. Je n'ai aucun problème à être ambigu. Je ne trouve pas que ce soit une chose «sale» à regarder par un homme, tant qu'elle est respectée. Et en tant que femme, j'aime aussi regarder les hommes. La sexualité n'a pas à être quelque chose de redoutable. Il est important de parler de sexualité sans juger. Il est important d'accueillir le désir. C'est ce qui nous fait vivre, le désir. Ensuite, vous devez le maîtriser. Et une femme ressent le désir autant qu'un homme. Nous avons une grande force. Cela ne doit plus être un problème. Être une femme, en harmonie avec toute cette complexité, demande un long voyage.

Monsieur Garrel

Comment le tournage de The Unfaithful Man avec Louis Garrel vous a-t-il affecté? Avez-vous d'autres projets avec lui?
Avec M. Garrel? (rires) Il y a quelque chose dans l'air … Donc je ne dirais ni oui ni non. Ce que j'ai aimé travailler avec lui, c'est l'expérience inédite de voir un projet, un rêve grandir, prendre forme, jusqu'à son achèvement. Partager, être totalement impliqué. Ce film a été une expérience vraiment forte. Il m'a fait un joli cadeau.
On l'a vue poser au pied d'une installation de JR et d'une sculpture de Tracey Emin … Quelle est la place de l'art dans votre univers?
Une présence très importante. La liste des créatifs qui m'inspirent est interminable … J'admire le travail de Prune Nourry, une plasticienne parisienne qui vit à New York et qui m'obsède par ses photographies, sculptures, performances et vidéos. L'expression artistique est une chose merveilleuse et thérapeutique. Quand on regarde La Danse de Matisse, on entend presque la musique jaillir du tableau. Louise Bourgeois m'a aussi marqué d'une manière particulière: ses sculptures m'ont surpris et m'effrayaient, elles m'attirent comme on est attiré par le vide. Et puis Niki de Saint Phalle et son action painting, l'art brut de Giacometti, la force des lignes courbes et des angles dans les sculptures de Brancusi, les dessins d'Yves Saint Laurent …

Une partie de la magie

Comment conciliez-vous vie de mère et travail?
En disant la vérité à mes enfants. Nous ne sommes pas que des mères. Et c'est un cadeau de partager cette idée avec nos enfants. Parce que le jour où ils seront amoureux, ils pourront se regarder sans se réduire à un rôle. C'est la plus belle chose que nous puissions leur transmettre. Mes enfants me parlent directement, sans filtre, et je réponds avec sincérité.
Elle dégage une sorte de force silencieuse. Comment vivez-vous les hauts et les bas du couple, les moments de doute, les passages?
«L'harmonie doit être réalisée entre deux individus», écrit Simone de Beauvoir. Surtout, je ressens le devoir d'être heureux avec moi-même pour être honnête devant l'autre. Je ne construis pas mon identité pour le couple, je la construis pour moi-même. L'important est d'être en équilibre sur votre axe. En revanche, le mot «couple» ne m'intéresse pas beaucoup. Ce qui m'intéresse plutôt, c'est d'être authentique avec l'autre. Et puis il y a une part de magie: ce que j'aime dans la vie, c'est sa capacité à surprendre.

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